Marquis de Sade

10 Classiques de l'érotisme

e-artnow, 2019
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ISBN  978-80-273-0200-0

III - Personnages du roman de l’École du libertinage

Table des matières

Le duc de Blangis, cinquante ans, fait comme un satyre, doué d’un membre monstrueux et d’une force prodigieuse. On peut le regarder comme le réceptacle de tous les vices et de tous les crimes. Il a tué sa mère, sa sœur et trois de ses femmes.

L’évêque de… est son frère ; cinquante-cinq ans, plus mince et plus délicat que le duc, une vilaine bouche. Il est fourbe, adroit, fidèle sectateur de la sodomie active et passive ; il méprise absolument toute autre espèce de plaisir ; il a cruellement fait mourir deux enfants pour lesquels un ami avait laissé une fortune considérable entre ses mains. Il a le genre nerveux d’une si grande sensibilité qu’il s’évanouit presque en déchargeant.

Le président de Curval, soixante ans. C’est un grand homme sec, mince, des yeux creux et éteints, la bouche malsaine, l’image ambulante de la crapule et du libertinage, d’une saleté affreuse sur lui-même et y attachant de la volupté. Il a été circoncis : son érection est rare et difficile : cependant elle a lieu et il éjacule encore presque tous les jours. Son goût le porte de préférence aux hommes ; néanmoins, il ne méprise point une pucelle. Il a pour singularité dans les goûts d’aimer et la vieillesse et tout ce qui lui ressemble pour la cochonnerie. Il est doué d’un membre presque aussi gros que celui du duc. Depuis quelques années, il est comme abruti par la débauche et il boit beaucoup. Il ne doit sa fortune qu’à des meurtres et est nommément coupable d’un qui est affreux et qu’on peut voir dans le détail de son portrait. Il éprouve en déchargeant une sorte de colère lubrique qui le porte aux cruautés.

Durcet, financier, cinquante-trois ans, grand ami et camarade d’école du duc. Il est petit, court et trapu, mais son corps est frais, beau et blanc. Il est taillé comme une femme et en a tous les goûts ; privé par la petitesse de sa consistance de leur donner du plaisir, il l’a imité, et se fait foutre à tout instant du jour. Il aime assez la jouissance de la bouche ; c’est la seule qui puisse lui donner des plaisirs comme agent. Ses seuls dieux sont ses plaisirs, et il est toujours prêt à leur tout sacrifier. Il est fin, adroit et il a commis beaucoup de crimes. Il a empoisonné sa mère, sa femme et sa nièce pour arranger sa fortune. Son âme est ferme et stoïque, absolument insensible à la pitié. Il ne bande plus et ses éjaculations sont fort rares. Ses instants de crise sont précédés d’une sorte de spasme qui le jette dans une colère lubrique, dangereuse pour ceux ou celles qui servent ces passions.

Constance est femme du duc et fille de Durcet. Elle a vingt-deux ans ; c’est une beauté romaine, plus de majesté que de finesse, de l’embonpoint, quoique bien faite, un corps superbe, le cul singulièrement coupé et pouvant servir de modèle, les cheveux et les yeux très noirs. Elle a de l’esprit et ne sent que trop toute l’horreur de son sort. Un grand fonds de vertu naturelle que rien n’a pu détruire.

Adélaïde, femme de Durcet et fille du président. C’est une jolie poupée, elle a vingt ans ; elle est blonde, les yeux très tendres et d’un joli bleu animé ; elle a toute la tournure d’une héroïne de roman. Le col long et bien détaché, la bouche un peu grande, c’est son seul défaut. Une petite gorge et un petit cul, mais tout cela, quoique délicat, est blanc et moulé. L’esprit romanesque, le cœur tendre, excessivement vertueuse et dévote, et se cache pour remplir ses devoirs de chrétienne.

Julie, femme du président et fille aînée du duc. Elle a vingt-quatre ans, grasse, potelée, de beaux yeux bruns, un joli nez, des traits marqués et agréables, mais une bouche affreuse. Elle a peu de vertu et même de grandes dispositions à la malpropreté, à l’ivrognerie, à la gourmandise et au putanisme. Son mari l’aime à cause du défaut de sa bouche : cette singularité entre dans les goûts du président. On ne lui a jamais donné ni principes ni religion.

Aline, sa sœur cadette, crue fille du duc, quoique réellement elle soit fille de l’évêque et d’une des femmes du duc. Elle a dix-huit ans, une physionomie très piquante et très agréable, beaucoup de fraîcheur, les yeux bruns, le nez retroussé, l’air mutin, quoique foncièrement indolente et paresseuse. Elle n’a point l’air d’avoir encore du tempérament et déteste très sincèrement toutes les infamies dont on la rend victime. L’évêque l’a dépucelée par-derrière à dix ans. On l’a laissée dans une ignorance crasse, elle ne sait ni lire ni écrire, elle déteste l’évêque et craint fort le duc. Elle aime beaucoup sa sœur, elle est sobre et propre, répond drôlement et avec enfantillage ; son cul est charmant.

La Duclos, première historienne. Elle a quarante-huit ans, grand reste de beauté, beaucoup de fraîcheur. le plus beau cul qu’on puisse avoir. Brune, taille pleine, très en chair.

La Champville a cinquante ans. Elle est mince, bien faite et les yeux lubriques ; elle est tribade, et tout l’annonce dans elle. Son métier actuel est le maquerellage. Elle a été blonde, elle a de jolis yeux, le clitoris long et chatouilleux, un cul fort usé à force de service, et néanmoins elle est pucelle par là.

La Martaine a cinquante-deux ans. Elle est maquerelle ; c’est une grosse maman fraîche et saine ; elle est barrée et n’a jamais connu que le plaisir de Sodome, pour lequel elle semble avoir été spécialement créée, car elle a, malgré son âge, le plus beau cul possible : il est fort gros et si accoutumé aux introductions qu’elle soutient les plus gros engins sans sourciller. Elle a encore de jolis traits, mais qui pourtant commencent à se faner.

La Desgranges a cinquante-six ans. C’est la plus grande scélérate qui ait jamais existé. Elle est grande, mince, pâle, elle a été brune ; c’est l’image du crime personnifié. Son cul flétri ressemble à du papier marbré et l’orifice en est immense. Elle a un téton, trois doigts et six dents de moins : fructus belli. Il n’existe pas un seul crime qu’elle n’ait fait ou fait faire. Elle a le jargon agréable, de l’esprit, et est actuellement une des maquerelles en titre de la société.

Marie, la première des duègnes, a cinquante-huit ans. Elle est fouettée et marquée ; elle a été servante de voleurs. Les yeux ternes et chassieux, le nez de travers, les dents jaunes, une fesse rongée par un abcès. Elle a fait et tué quatorze enfants.

Louison, la seconde duègne, a soixante ans. Elle est petite, bossue, borgne et boiteuse, et elle a pourtant encore un fort joli cul. Elle est toujours prête aux crimes et elle est extrêmement méchante. Ces deux premières sont annexées aux filles et les deux suivantes aux garçons.

Thérèse a soixante-deux ans, l’air d’un squelette, ni cheveux, ni dents, une bouche puante, le cul criblé de blessures, le trou large à l’excès. Elle est d’une saleté et d’une puanteur atroces ; elle a un bras tordu et elle boite.

Fanchon, âgée de soixante-neuf ans, a été pendue six fois en effigie et a commis tous les crimes imaginables. Elle est louche, camuse, courte, grosse, point de front, plus que deux dents. Un érésipèle lui couvre le cul, un paquet d’hémorroïdes lui sort du trou, un chancre lui dévore le vagin, elle a une cuisse brûlée et un cancer qui ronge le sein. Elle est toujours saoule et vomit, pète et chie partout et à tout instant sans s’en apercevoir.

Sérail des jeunes filles

Augustine, fille d’un baron de Languedoc, quinze ans, minois fin et éveillé.

Fanny, fille d’un conseiller de Bretagne, quatorze ans, l’air doux et tendre.

Zelmire, fille du comte de Torville, seigneur de Beauce, quinze ans, l’air noble et l’âme très sensible.

Sophie, fille d’un gentilhomme de Berry, des traits charmants, quatorze ans.

Colombe, fille d’un conseiller au Parlement de Paris, treize ans, grande fraîcheur.

Hébé, fille d’un officier d’Orléans, l’air très libertin et les yeux charmants : elle a douze ans.

Rosette et Michette, toutes les deux l’air de belles vierges. L’une a treize ans et est fille d’un magistrat de Châlon-sur-Saône ; l’autre en a douze et est fille du marquis de Sénanges : elle a été enlevée en Bourbonnais chez son père.

Leur taille, le reste de leurs attraits et principalement leur cul est au-dessus de toute expression. Elles sont choisies sur cent trente.

Sérail des jeunes garçons

Zélamir, treize ans, fils d’un gentilhomme de Poitou.

Cupidon, même âge, fils d’un gentilhomme d’auprès de La Flèche.

Narcisse, douze ans, fils d’un homme en place de Rouen, chevalier de Malte.

Zéphire, quinze ans, fils d’un officier général de Paris ; il est destiné au duc.

Céladon, fils d’un magistrat de Nancy ; il a quatorze ans.

Adonis, fils d’un président de grand-chambre de Paris, destiné à Curval.

Hyacinthe, quatorze ans, fils d’un officier retiré en Champagne.

Giton, page du roi, douze ans, fils d’un gentilhomme du Nivernais.

Nulle plume n’est en état de peindre les grâces, les traits et les charmes secrets de ces huit enfants, au-dessus de tout ce qu’il est possible de dire, et choisis, comme on le sait sur un très grand nombre.

Huit fouteurs

Hercule, vingt-six ans, assez joli, mais très mauvais sujet ; favori du duc ; son vit a huit pouces deux lignes de tour sur seize de long ; décharge beaucoup.

Antinoüs a trente ans, très bel homme ; son vit a huit pouces de tour sur douze de long.

Brise-cul, vingt-huit ans, l’air d un satyre, son vit est tortu ; la tête ou le gland en est énorme : il a huit pouces trois lignes de tour, et le corps du vit huit pouces sur seize de long ; ce vit majestueux est absolument cambré.

Bande-au-ciel a vingt-cinq ans, il est fort laid, mais sain et vigoureux ; grand favori de Curval, il est toujours en l’air, et son vit a sept pouces onze lignes de tour sur onze de long.

Les quatre autres, de neuf à dix et onze pouces de long sur sept et demi et sept pouces neuf lignes de tour et ils ont de vingt-cinq à trente ans.

 

Fin de l’introduction.

 

IV - PREMIÈRE PARTIE

Table des matières

Les cent cinquante passions simples, ou de première classe, composant les trente journées de novembre remplies par la narration de la Duclos, auxquelles sont entremêlés les événements scandaleux du château, en forme de journal, pendant ce mois-là.


V - Première journée

Table des matières

On se leva le premier de novembre à dix heures du matin, ainsi qu’il était prescrit par les règlements, dont on s’était mutuellement juré de ne s’écarter en rien. Les quatre fouteurs qui n’avaient point partagé la couche des amis leur amenèrent à leur lever Zéphire chez le duc, Adonis chez Curval, Narcisse chez Durcet, et Zélamir chez l’évêque. Tous quatre étaient bien timides, encore bien empruntés, mais, encouragés par leur guide, ils remplirent fort bien leur devoir, et le duc déchargea. Les trois autres, plus réservés et moins prodigues de leur foutre, en firent pénétrer autant que lui, mais sans y rien mettre du leur. On passa à onze heures dans l’appartement des femmes, où les huit jeunes sultanes parurent nues et servirent le chocolat ainsi. Marie et Louison, qui présidaient à ce sérail, les aidaient et les dirigeaient. On mania, on baisa beaucoup, et les huit pauvres petites malheureuses, victimes de la plus insigne lubricité, rougissaient, se cachaient avec leurs mains, essayaient de défendre leurs charmes, et montraient aussitôt tout, dès qu’elles voyaient que leurs pudeurs irritaient et fâchaient leurs maîtres. Le duc, qui rebanda fort vite, mesura le pourtour de son engin à la taille mince et légère de Michette, et il n’y eut que trois pouces de différence. Durcet, qui était de mois, fit les examens et les visites prescrites. Hébé et Colombe se trouvèrent en faute, et leur punition fut prescrite et assignée sur-le-champ pour le samedi prochain à l’heure des orgies. Elles pleurèrent, mais n’attendrirent pas. On passa de là chez les garçons. Les quatre qui n’avaient point paru le matin, savoir Cupidon, Céladon, Hyacinthe et Giton, se déculottèrent suivant l’ordre, et on s’amusa un instant du coup d’œil. Curval les baisa tous les quatre sur la bouche et l’évêque leur branla le vit un moment, pendant que le duc et Durcet faisaient autre chose. Les visites se firent, personne n’était en faute. A une heure, les amis se transportèrent à la chapelle, où l’on sait qu’était établi le cabinet des garde-robes. Les besoins que l’on prévoyait avoir le soir ayant fait refuser beaucoup de permissions il ne parut que Constance, la Duclos, Augustine, Sophie, Zélamir, Cupidon et Louison. Tout le reste avait demandé, et on leur avait enjoint de se réserver pour le soir. Nos quatre amis, postés autour du même siège consacré à ce dessein, firent placer sur ce siège ces sept sujets l’un après l’autre et se retirèrent après s’être rassasiés du spectacle. Ils descendirent au salon où, pendant que les femmes dînaient, ils jasèrent entre eux jusqu’au moment où on les servit. Les quatre amis se placèrent chacun entre deux fouteurs, suivant la règle qu’ils s’étaient imposée de n’admettre jamais de femmes à leur table, et les quatre épouses nues, aidées de vieilles vêtues en sœurs grises, servirent le plus magnifique repas et le plus succulent qu’il fût possible de faire. Rien de plus délicat et de plus habile que les cuisinières qu’ils avaient emmenées, et elles étaient si bien payées et si bien fournies que tout ne pouvait aller qu’à merveille. Ce repas devant être moins fort que le souper, on se contenta de quatre services superbes, chacun composé de douze plats. Le vin de Bourgogne parut avec les hors-d’œuvre, on servit le bordeaux aux entrées, le champagne aux rôtis, l’hermitage à l’entremets, le tokay et le madère au dessert. Peu à peu les têtes s’échauffèrent. Les fouteurs, auxquels on avait en ce moment-là accordé tous les droits sur les épouses, les maltraitèrent un peu. Constance fut même un peu poussée, un peu battue, pour n’avoir pas apporté sur-le-champ une assiette à Hercule, lequel, se voyant très avant dans les bonnes grâces du duc, crut pouvoir pousser l’insolence au point de battre et molester sa femme, dont celui-ci ne fit que rire. Curval, très gris au dessert, jeta une assiette au visage de sa femme, qui lui aurait fendu la tête si celle-ci ne l’eût esquichée. Durcet, voyant un de ses voisins bander, ne fit pas d’autre cérémonie, quoique à table, que de déboutonner sa culotte et de présenter son cul. Le voisin l’enfila et, l’opération faite, on se remit à boire comme si de rien n’était. Le duc imita bientôt avec Bande-au-ciel la petite infamie de son ancien ami et il paria, quoique le vit fût énorme, d’avaler trois bouteilles de vin de sens froid pendant qu’on l’enculerait. Quelle habitude, quel calme, quel sens froid dans le libertinage ! Il gagna sa gageure, et comme il ne les buvait pas à jeun, que ces trois bouteilles tombaient sur plus de quinze autres, il se releva de là un peu étourdi. Le premier objet qui se présenta à lui fut sa femme, pleurant des mauvais traitements d’Hercule, et cette vue l’anima à tel point qu’il se porta sur-le-champ à des excès avec elle qu’il nous est encore impossible de dire. Le lecteur, qui voit comme nous sommes gênés dans ces commencements-ci pour mettre de l’ordre dans nos matières nous pardonnera de lui laisser encore bien des petits détails sous le voile. Enfin on passa dans le salon, où de nouveaux plaisirs et de nouvelles voluptés attendaient nos champions. Là, le café et les liqueurs leur furent présentés par un quadrille charmant : il était composé en beaux jeunes garçons d’Adonis et d’Hyacinthe, et en filles de Zelmire et Fanny. Thérèse, une des duègnes, les dirigeait, car il était de règle que partout où deux ou mois enfants se trouvaient réunis, une duègne devait les conduire. Nos quatre libertins, à moitié ivres, mais résolus pourtant d’observer leurs lois, se contentèrent de baisers, d’attouchements, mais que leur tête libertine sut assaisonner de tous les raffinements de la débauche et de la lubricité. On crut un moment que l’évêque allait perdre du foutre à des choses très extraordinaires qu’il exigeait de Hyacinthe, pendant que Zelmire le branlait. Déjà ses nerfs tressaillaient et sa crise de spasme s’emparait de tout son physique, mais il se contint, rejeta loin de lui les objets tentateur prêts à triompher de ses sens et, sachant qu’il y avait encore de la besogne à faire, se réserva au moins pour la fin de la journée. On but de six différentes sortes de liqueurs et de trois espèces de cafés, et l’heure sonnant enfin, les deux couples se retirèrent pour aller s’habiller. Nos amis firent un quart de méridienne, et on passa dans le salon du trône. Tel était le nom donné à l’appartement destiné aux narrations. Les amis se placèrent sur leurs canapés, le duc ayant à ses pieds son cher Hercule, auprès de lui nue, Adélaïde, femme de Durcet et fille du président, et pour quadrille en face de lui, répondant à sa niche par des guirlandes, ainsi qu’il a été expliqué, Zéphyr, Giton, Augustine et Sophie dans un costume de bergerie, présidés par Louison en vieille paysanne jouant lc rôle de leur mère. Curval avait à ses pieds Bande-au-ciel, sur son canapé Constance, femme du duc et fille de Durcet, et pour quadrille quatre jeunes Espagnols, chaque sexe vêtu dans son costume et le plus élégamment possible, savoir : Adonis, Céladon, Fanny et Zelmire, présidés par Fanchon en duègne. L’évêque avait à ses pieds Antinoüs, sa nièce Julie sur son canapé et quatre sauvages presque nus pour quadrille : c’étaient, en garçons, Cupidon et Narcisse, et, en filles, Hébé et Rosette, présidés par une vieille amazone jouée par Thérèse. Durcet avait Brise-cul pour fouteur, près de lui Aline, fille de l’évêque, et en face quatre petites sultanes, ici les garçons étant habillés comme les filles et cet ajustement relevant au dernier degré les figures enchanteresses de Zélamir, Hyacinthe, Colombe et Michette. Une vieille esclave arabe, représentée par Marie, conduisait ce quadrille. Les trois historiennes, magnifiquement vêtues à la manière des filles du bon ton de Paris, s’assirent au bas du trône, sur un banc placé là à dessein, et Mme Duclos, narratrice du mois, en déshabillé très léger et très élégant, beaucoup de rouge et de diamants, s’étant placée sur son estrade, commença ainsi l’histoire des événements de sa vie, dans laquelle elle devait faire entrer dans le détail les cent cinquante premières passions, désignées sous le nom de passions simples :

“Ce n’est pas une petite affaire, messieurs, que de s’énoncer devant un cercle comme le vôtre. Accoutumés à tout ce que les lettres produisent de plus fin et de plus délicat, comment pourrez-vous supporter le récit informe et grossier d’une malheureuse créature comme moi, qui n’ai jamais reçu d’autre éducation que celle que le libertinage m’a donnée. Mais votre indulgence me rassure ; vous n’exigez que du naturel et de la vérité, et à ce titre sans doute j’oserai prétendre à vos éloges. Ma mère avait vingt-cinq ans quand elle me mit au monde, et j’étais son second enfant ; le premier était une fille plus âgée que moi de six ans. Sa naissance n’était pas illustre. Elle était orpheline de père et de mère ; elle l’avait été fort jeune, et comme ses parents demeuraient auprès des Récollets, à Paris, quand elle se vit abandonnée et sans aucune ressource, elle obtint de ces bons Pères la permission de venir demander l’aumône dans leur église. Mais, comme elle avait un peu de jeunesse et de fraîcheur, elle leur donna bientôt dans la vue et, petit à petit, de l’église elle monta dans les chambres, dont elle descendit bientôt grosse. C’était à de pareilles aventures que ma sœur devait le jour, et il est plus que vraisemblable que ma naissance n’a pas d’autre origine. Cependant les bons Pères, contents de la docilité de ma mère et voyant combien elle fructifiait pour la communauté, la récompensèrent de ses travaux en lui accordant le loyer des chaises de leur église ; poste que ma mère n’eut pas plus tôt que, par la permission de ses supérieurs, elle épousa un porteur d’eau de la maison qui nous adopta sur-le-champ, ma sœur et moi, sans la plus légère répugnance. Née dans l’église, j’habitais pour ainsi dire bien plutôt plus l’église que notre maison. J’aidais ma mère à arranger les chaises, je secondais les sacristains dans leurs différentes opérations, j’aurais servi la messe s’il l’eût fallu, en cas de besoin, quoique je n’eusse encore atteint que ma cinquième année. Un jour que je revenais de mes saintes occupations, ma sœur me demanda si je n’avais pas encore rencontré le Père Laurent. “Non, lui dis-je. -Eh bien, me dit-elle, il te guette, je le sais ; il veut te faire voir ce qu’il m’a montré. Ne te sauve pas, regarde-le bien sans t’effrayer ; il ne te touchera pas, mais il te fera voir quelque chose de bien drôle, et si tu te laisses faire, il te récompensera bien. Nous sommes plus de quinze, ici dans les environs, à qui il en a fait voir autant. C’est tout son plaisir et il nous a donné à toutes quelque présent.” Vous imaginez bien, messieurs, qu’il n’en fallut pas davantage non seulement pour ne pas fuir le Père Laurent, mais même pour le rechercher. La pudeur parle bien bas à l’âge que j’avais, et son silence, au sortir des mains de la nature, n’est-il pas une preuve certaine que ce sentiment factice tient bien moins à cette première mère qu’à l’éducation Je volai sur-le-champ à l’église et, comme je traversais une petite cour qui se trouvait entre l’entrée de l’église du côté du couvent et le couvent, je rencontrai nez à nez le Père Laurent. C’était un religieux d’environ quarante ans, d’une très belle physionomie. Il m’arrête : “Ou vas-tu, Françon ? me dit-il. -Arranger des chaises, mon Père. -Bon, bon, ta mère les arrangera. Viens, viens dans ce cabinet, me dit-il en m’attirant dans un réduit qui se trouvait là, je te ferai voir quelque chose que tu n’a jamais vu.” Je le suis, il ferme la porte sur nous, et m’ayant postée bien en face de lui : “Tiens, Françon me dit-il, en sortant un vit monstrueux de sa culotte, dont je pensai tomber à la renverse d’effroi, tiens, mon enfant, continuait-il en se branlant, as-tu jamais rien vu de pareil à cela… C’est ce qu’on appelle un vit, ma petite, oui, un vit… Cela sert à foutre, et ce que tu vas voir, qui va couler tout à l’heure, c’est la semence avec quoi tu es faite. Je l’ai fait voir à ta sœur, je le fais voir à toutes les petites filles de ton âge ; amène-m’en, amène-m’en, fais comme ta sœur qui m’en a fait connaître plus de vingt… Je leur montrerai mon vit et je leur ferai sauter le foutre à la figure… C’est ma passion, mon enfant, je n’en ai point d’autre… et tu vas le voir. Et en même temps je me sentis toute couverte d’une rosée blanche qui me tacha toute et dont quelques gouttes avaient sauté jusque dans mes yeux parce que ma petite tête se trouvait à la hauteur juste des boutons de sa culotte. Cependant Laurent gesticulait. “Ah ! le beau foutre… le beau foutre que je perds, s’écriait-il ; comme t’en voilà couverte ! Et se calmant peu à peu, il remit tranquillement son outil à sa place et décampa en me glissant douze sols dans la main et me recommandant de lui amener de mes petites camarades. Je n’eus rien de plus pressé, comme vous l’imaginez aisément, que d’aller tout conter à ma sœur, qui m’essuya partout avec le plus grand soin pour que rien ne parût et qui, pour m’avoir procuré cette petite bonne fortune, ne manqua pas de me demander la moitié de mon gain. Cet exemple m’ayant instruite, je ne manquai pas, dans l’espoir d’un pareil partage, de chercher le plus de petites filles que je pus au Père Laurent. Mais lui en ayant amené une qu’il connaissait déjà, il la refusa, et me donnant trois sols pour m’encourager : “Je ne les vois jamais deux fois. mon enfant, me dit-il, amène-m’en que je ne connaisse pas et jamais de celles qui te diront avoir déjà eu affaire à moi.” Je m’y pris mieux : en trois mois, je fis connaître plus de vingt filles nouvelles au Père Laurent, avec lesquelles il employa, pour son plaisir, absolument les mêmes procédés que ceux qu’il avait eus avec moi. Avec la clause de les lui choisir inconnues, j’observai encore celle qu’il m’avait infiniment recommandée, relativement à l’âge : il ne fallait pas que cela fût au-dessous de quatre ans, ni au-dessus de sept. Et ma petite fortune allait le mieux du monde, lorsque ma sœur, s’apercevant que j’allais sur ses brisées, me menaça de tout dire à ma mère si je ne cessais ce joli commerce, et je laissai là le Père Laurent.

“Cependant, mes fonctions me conduisant toujours dans les environs du couvent, le même jour où je venais d’atteindre ma septième année, je fis rencontre d’un nouvel amant dont la manie, quoique bien enfantine, devenait pourtant un peu plus sérieuse. Celui-ci s’appelait le Père Louis ; il était plus vieux que Laurent et avait dans le maintien je ne sais quoi de bien plus libertin. Il me raccrocha à la porte de l’église comme j’y entrais et m’engagea à monter dans sa chambre. D’abord je fis quelques difficultés, mais m’ayant assuré que ma sœur, il y avait trois ans, y était bien montée aussi et que, tous les jours, il y recevait des petites filles de mon âge, je le suivis. A peine fûmes-nous dans sa cellule qu’il la referma exactement, et versant du sirop dans un gobelet, il m’en fit avaler tout de suite trois grands verres à la fois. Ce préparatif exécuté, le révérend, plus caressant que son confrère, se mit à me baiser, et tout en badinant, il délia mon jupon et, relevant ma chemise sous mon corset, malgré mes petites défenses, il s’empara de toutes les parties de devant qu’il venait de mettre à découvert, et après les avoir bien maniées et considérées, il me demanda si je n’avais pas envie de pisser. Singulièrement excitée à ce besoin par la forte dose de boisson qu’il venait de me faire avaler, je l’assurai que ce besoin était en moi aussi considérable qu’il pouvait l’être, mais que je ne voulais pas faire ça devant lui. “Oh ! parbleu si, petite friponne, ajouta le paillard, oh ! parbleu si, vous le ferez devant moi, et qui pis est, sur moi. Tenez, me dit-il, en me sortant son vit de sa culotte, voilà l’outil que vous allez inonder ; il faut pisser là-dessus.” Alors me prenant et me posant sur deux chaises, une jambe sur l’une, une jambe sur l’autre, il m’écarte le plus qu’il put, puis me dit de m’accroupir. Me tenant en cette attitude, il plaça un vase sous moi, s’établit sur un petit tabouret à hauteur du vase, son engin à la main, bien positivement sous mon con. Une de ses mains soutenait mes hanches, de l’autre il se branlait, et ma bouche, par l’attitude, se trouvant parallèle à la sienne, il la baisait. “Allons, ma petite, pisse, me dit-il, à présent inonde mon vit de cette liqueur enchanteresse dont l’écoulement chaud a tant d’empire sur mes sens. Pisse, mon cœur, pisse et tâche d’inonder mon foutre.” Louis s’animait, il s’excitait, il était facile de voir que cette opération singulière était celle qui flattait le mieux tous ses sens. La plus douce extase vint le couronner au moment même où les eaux dont il m’avait gonflé l’estomac s’écoulaient avec le plus d’abondance, et nous remplîmes tous deux à la fois le même vase, lui de foutre et moi d’urine. L’opération finie, Louis me tint à peu près le même discours que Laurent ; il voulut faire une maquerelle de sa petite putain, et pour cette fois, m’embarrassant fort peu des menaces de ma sœur, je procurai hardiment à Louis tout ce que je connaissais d’enfants. Il fit faire la même chose à toutes, et comme il les revoyait fort bien deux ou trois fois sans répugnance et qu’il me payait toujours à part, indépendamment de ce que je retirais de mes petites camarades, avant six mois je me vis une petite somme dont je jouis tout à mon aise avec la seule précaution de me cacher de ma sœur.”

“Duclos, interrompit ici le président, ne vous a-t-on pas prévenue qu’il faut à vos récits les détails les plus grands et les plus étendus, que nous ne pouvons juger ce que la passion que vous contez a de relative aux mœurs et au caractère de l’homme, qu’autant que vous ne déguisez aucune circonstance ? que les moindres circonstances servent d’ailleurs infiniment à ce que nous attendons de vos récits pour l’irritation de nos sens ? -Oui, monseigneur, dit la Duclos, j’ai été prévenue de ne négliger aucun détail et d’entrer dans les moindres minuties toutes les fois qu’elles servaient à jeter du jour sur les caractères ou sur le genre. Ai-je commis quelque omission dans ce goût-là ? -Oui, dit le président, je n’ai nulle idée du vit de votre second récollet, et nulle idée de sa décharge. D’ailleurs, vous branla-t-il le con et y fit-il toucher son vit ? Vous voyez, que de détails négligés ! -Pardon, dit la Duclos, je vais réparer mes fautes actuelles et m’observer sur l’avenir. Le Père Louis avait un membre très ordinaire, plus long que gros et en général d’une tournure très commune. Je me souviens même qu’il bandait assez mal et qu’il ne prit un peu de consistance qu’à l’instant de la crise. Il ne me branla point le con, il se contenta de l’élargir le plus qu’il put avec ses doigts pour que l’urine coulât mieux. Il en approcha son vit très près deux ou trois fois et sa décharge fut serrée, courte, et sans autres propos égarés de sa part que : “Ah ! foutre, pisse donc, mon enfant, pisse donc ; la belle fontaine, pisse donc, pisse donc, ne vois-tu pas que je décharge ? ” Et il entremêlait tout cela de baisers sur ma bouche qui n’avaient rien de trop libertin. -C’est cela, Duclos, dit Durcet, le Président avait raison ; je ne pouvais me rien figurer au premier récit, et je conçois votre homme à présent. -Un moment, Duclos, dit l’évêque, en voyant qu’elle allait reprendre, j’ai pour mon compte un besoin un peu plus vif que celui de pisser ; ça me tient depuis tantôt et je sens qu’il faut que ça parte.” Et en même temps, il attira à lui Narcisse. Le feu sortait des yeux du prélat, son vit était collé contre son ventre, il écumait, c’était un foutre contenu qui voulait absolument s’échapper et qui ne le pouvait que par des moyens violents. Il entraîna sa nièce et le petit garçon dans le cabinet. Tout s’arrêta : une décharge était regardée comme quelque chose de trop important pour que tout ne se suspendît pas, au moment où l’on y voulait procéder, et que tout ne concourût pas à la faire délicieusement. Mais la nature, cette fois-ci, ne répondit pas aux vœux du prélat, et quelques minutes après qu’il se fut enfermé dans le cabinet, il en sortit furieux, dans le même état d’érection, et s’adressant à Durcet, qui était de mois : “Tu me camperas ce petit drôle-là en punition pour samedi, lui dit-il, en rejetant violemment l’enfant loin de lui, et qu’elle soit sévère, je t’en prie.” On vit bien alors que le jeune garçon, sans doute, n’avait pas pu le satisfaire, et Julie fut conter le fait tout bas à son père.

“Eh, parbleu, prends-en un autre, lui dit le duc, choisis dans nos quadrilles, si le tien ne te satisfait pas. -Oh ! ma satisfaction pour le moment serait très éloignée de ce que je désirais tout à l’heure, dit le prélat. Vous savez où nous conduit un désir trompé. J’aime mieux me contenir, mais qu’on ne ménage pas ce petit drôle-là, continua-t-il, voilà tout ce que je recommande. -Oh ! je te réponds qu’il sera tancé, dit Durcet. Il est bon que le premier pris donne l’exemple aux autres. Je suis fâché de te voir dans cet état-là ; essaye autre chose, fais-toi foutre. -Monseigneur, dit la Martaine, je me sens très en disposition de vous satisfaire, et si votre Grandeur voulait… -Eh ! non, non, parbleu, dit l’évêque ; ne savez-vous donc pas qu’il y a tout plein d’occasions où l’on ne veut pas d’un cul de femme ? J’attendrai, j’attendrai… Que Duclos continue ; ça partira ce soir ; il faudra bien que j’en trouve un comme je le veux. Continue, Duclos.” Et les amis ayant ri de bon cœur de la franchise libertine de l’évêque (“il y a tout plein d’occasions où l’on ne veut pas d’un cul de femme”), l’historienne reprit son récit en ces termes :

“Je venais d’atteindre ma septième année, lorsqu’un jour que, suivant ma coutume, j’avais amené à Louis une de mes petites camarades, je trouvai chez lui un autre religieux de ses confrères. Comme cela n’était jamais arrivé, je fus surprise et je voulus me retirer mais Louis m’ayant rassurée, nous entrâmes hardiment, ma petite compagne et moi. “Tiens, Père Geoffroi, dit Louis à son ami, en me poussant vers lui, ne t’ai-je pas dit qu’elle était gentille ? Oui, en vérité, dit Geoffroi en me prenant sur ses genoux et me baisant. Quel âge avez-vous, ma petite ? Sept ans, mon Père. C’est-à-dire cinquante de moins que moi dit le bon Père en me baisant de nouveau. Et pendant ce petit monologue le sirop se préparait, et, suivant l’usage, on nous en fit avaler trois grands verres à chacune. Mais comme je n’avais pas coutume d’en boire quand j’amenais du gibier à Louis, parce qu’il n’en donnait qu’à celle que je lui amenais, que je ne restais communément pas et que je me retirais tout de suite, je fus étonnée de la précaution, cette fois, et, du ton de la plus naïve innocence, je lui dis : “Et pourquoi donc me faites-vous boire, mon Père ? Est-ce que vous voulez que je pisse ? -Oui, mon enfant, dit Geoffroi qui me tenait toujours entre ses cuisses et qui promenait déjà ses mains sur mon devant, oui, on veut que vous pissiez, et c’est avec moi que va se passer l’aventuré, peut-être un peu différente de celle qui vous est arrivée ici. Venez dans ma cellule, laissons le Père Louis avec votre petite amie, et allons nous occuper de notre côté. Nous nous réunirons quand nos besognes seront faites.” Nous sortîmes ; Louis me dit tout bas d’être bien complaisante avec son ami et que je n’aurais pas à m’en repentir. La cellule de Geoffroi était peu éloignée de celle de Louis et nous y arrivâmes sans être vus. A peine fûmes-nous entrés, que Geoffroi, s’étant bien barricadé, me dit de défaire mes jupes. J’obéis ; il releva lui-même ma chemise jusqu’au-dessus de mon nombril et, m’ayant assise sur le bord de son lit, il m’écarta les cuisses le plus qu’il lui fut possible, en continuant de m’abaisser, de manière que je présentais le ventre en entier et que mon corps ne portait plus que sur le croupion. Il m’enjoignit de bien me tenir dans cette posture et de commencer à pisser aussitôt qu’il frapperait légèrement une de mes cuisses avec sa main. Alors, me considérant un moment dans l’attitude et travaillant toujours à m’écarter d’une main les babines du con, de l’autre il déboutonna sa culotte et se mit à secouer par des mouvements prompts et violents un petit membre noir et tout rabougri qui ne paraissait pas très disposé à répondre à ce qu’on semblait exiger de lui. Pour l’y déterminer avec plus de succès, notre homme se mit en devoir, en procédant à sa petite habitude de choix, de lui procurer le plus grand degré de chatouillement possible : en conséquence il s’agenouilla entre mes jambes, examina encore un instant l’intérieur du petit orifice que je lui présentais, y porta sa bouche à plusieurs reprises en grumelant entre ses dents certaines paroles luxurieuses que je ne retins pas, parce que je ne les comprenais pas pour lors, et continuant d’agiter son membre qui ne s’en émouvait pas davantage. Enfin ses lèvres se collèrent hermétiquement à celles de mon con, je reçus le signal convenu, et débondant aussitôt dans la bouche du bonhomme le superflu de mes entrailles, je l’inondai des flots d’une urine qu’il avala avec la même rapidité que je la lui lançais dans le gosier. Pour le coup, son membre se déploya et sa tête altière s’élança jusqu’auprès d’une de mes cuisses. Je sentis qu’il l’arrosait fièrement des stériles marques de sa débile vigueur. Tout avait été si bien compassé qu’il avalait les dernières gouttes au moment même où son vit, tout confus de sa victoire, la pleurait en larmes de sang. Geoffroi se releva tout chancelant, et je crus m’apercevoir qu’il n’avait pas pour son idole, quand l’encens venait de s’éteindre, une ferveur de culte aussi religieuse que quand le délire, enflammant son hommage, soutenait encore le prestige. Il me donna douze sols assez brusquement, m’ouvrit sa porte, sans me demander comme les autres de lui amener des filles (apparemment qu’il se fournissait ailleurs) et, me montrant le chemin de la cellule de son ami, il me dit d’y aller, que l’heure de son office le pressant, il ne pouvait pas m’y conduire, et se renferma chez lui sans me donner le temps de lui répondre.”

“Eh ! mais vraiment, dit le duc, il y a tout plein de gens qui ne peuvent absolument soutenir l’instant de la perte de l’illusion. Il semble que l’orgueil souffre à s’être laissé voir à une femme dans un pareil état de faiblesse et que le dégoût naisse de la gêne qu’il éprouve alors. -Non, dit Curval, qu’Adonis branlait à genoux et qui faisait promener ses mains sur Zelmire, non, mon ami, l’orgueil n’est pour rien là-dedans, mais l’objet qui foncièrement n’a de valeur que celle que notre lubricité lui prête se montre absolument tel qu’il est quand la lubricité est éteinte. Plus l’irritation a été violente, plus l’objet se dépare quand cette irritation ne le soutient plus, tout comme nous somme plus ou moins fatigués en raison du plus ou moins d’exercice que nous avons pris, et ce dégoût que nous éprouvons alors n’est que le sentiment d’une âme rassasiée à qui le bonheur déplaît parce qu’il vient de la fatiguer. -Mais de ce dégoût pourtant, dit Durcet, naît souvent un projet de vengeance dont on a vu des suites funestes. -Alors c’est autre chose, dit Curval, et comme la suite de ces narrations nous offrira peut-être des exemples de ce que vous dites là, n’en pressons pas les dissertations que ces faits produiront naturellement. -Président, dis la vérité, dit Durcet : à la veille de t’égarer toi-même, je crois qu’à l’instant présent tu aimes mieux te préparer à sentir comme on jouit qu’à disserter comme on se dégoûte -Point du tout… pas un mot, dit Curval, je suis du plus grand sens froid…. Il est bien certain, continuait-il en baisant Adonis sur la bouche, que cet enfant-là est charmant… mais on ne peut pas le foutre ; je ne connais rien de pis que vos lois… Il faut se réduire à des choses… à des choses… Allons, allons, continue, Duclos, car je sens que je ferais des sottises, et je veux que mon illusion se soutienne au moins jusqu’à ce que j’aille me coucher.” Le président, qui voyait que son engin commençait à se mutiner, renvoya les deux enfants à leur place et, se recouchant près de Constance qui sans doute toute jolie qu’elle était ne l’échauffait pas autant, il repressa une seconde fois Duclos de continuer, qui obéit promptement en ces termes :

“Je rejoignis ma petite camarade. L’opération de Louis était faite, et assez médiocrement contentes toutes les deux, nous quittâmes le couvent, moi avec la presque résolution de n’y plus revenir. Le ton de Geoffroi avait humilié mon petit amour-propre et, sans approfondir d’ou venait le dégoût, je n’en aimais ni les suites ni les conséquences. Il était pourtant écrit dans ma destinée que j’aurais encore quelques aventures dans ce couvent, et l’exemple de ma sœur, qui avait eu, m’avait-elle dit, affaire a plus de quatorze, devait me convaincre que je n’étais pas au bout de mes caravanes. Je m’en aperçus, trois mois après cette dernière aventure, aux sollicitations que me fit un de ces bons révérends, homme d’environ soixante ans. Il n’y eut sorte de ruse qu’il inventât pour me déterminer à venir dans sa chambre. Une réussit si bien enfin, que je m’y trouvai un beau dimanche matin sans savoir ni comment ni pourquoi. Le vieux paillard, que l’on nommait Père Henri m’y renferma avec lui aussitôt qu’il me vit entrer et m’embrassa de tout son cœur. “Ah ! petite friponne, s’écria-t-il au transport de sa joie, je te tiens donc, tu ne m’échapperas pas ce coup-ci.” Il faisait très froid ; mon petit nez était plein de morve, comme c’est assez l’usage des enfants. Je voulus me moucher. “Eh ! non, non, dit Henri en s’y opposant, c’est moi qui vais faire cette opération-là, ma petite.” Et m’ayant couchée sur son lit la tête un peu penchée, il s’assit auprès de moi, attirant ma tête renversée sur ses genoux. On eût dit qu’en cet état il dévorait des yeux cette sécrétion de mon cerveau. “Oh ! la jolie petite morveuse, disait-il en se pâmant, comme je vais la sucer ! ” Se courbant alors sur ma tête et mettant mon nez tout entier dans sa bouche, non seulement il dévora toute cette morve dont j’étais couverte, mais il darda même lubriquement le bout de sa langue dans mes deux narines alternativement, et avec tant d’art, qu’il produisit deux ou trois éternuements qui redoublèrent cet écoulement qu’il désirait et dévorait avec tant d’empressement. Mais de celui-là, messieurs, ne m’en demandez pas de détails : rien ne parut, et soit qu’il ne fit rien ou qu’il fit son affaire dans sa culotte, je ne m’aperçus de quoi que ce fût, et dans la multitude de ses baisers et de ses lécheries rien ne marqua d’extase plus forte, et par conséquent je crois qu’il ne déchargea point. Je ne fus point troussée davantage, ses mains même ne s’égarèrent pas, et je vous assure que la fantaisie de ce vieux libertin pourrait avoir son effet avec la fille du monde la plus honnête et la plus novice, sans qu’elle y pût supposer la moindre lubricité.

“Il n’en était pas de même de celui que le hasard m’offrit le propre jour où je venais d’atteindre ma neuvième année. Père Etienne, c’était le nom du libertin, avait déjà dit plusieurs fois à ma sœur de me conduire à lui, et elle m’avait engagée à l’aller voir (sans néanmoins vouloir m’y mener, de peur que notre mère, qui se doutait déjà de quelque chose, ne vînt à le savoir), lorsque je me trouvai enfin face à face avec lui, dans un coin de l’église, près de la sacristie. Il s’y prit de si bonne grâce, il employa des raisons si persuasives, que je ne me fis pas tirer l’oreille. Le Père Etienne avait environ quarante ans, il était frais, gaillard et vigoureux. A peine fûmes-nous dans sa chambre qu’il me demanda si je savais branler un vit. “Hélas ! lui dis-je en rougissant, je n’entends pas seulement ce que vous voulez me dire. -Eh bien ! je vais te l’apprendre, ma petite, me dit-il en me baisant de tout son cœur et la bouche et les yeux ; mon unique plaisir est d’instruire les petites filles, et les leçons que je leur donne sont si excellentes qu’elles ne les oublient jamais. Commence par défaire tes jupes, car si je t’apprends comment il faut s’y prendre pour me donner du plaisir, il est juste que je t’enseigne en même temps comment tu dois faire pour en recevoir, et il ne faut pas que rien nous gêne pour cette leçon-là. Allons, commençons par toi. Ce que tu vois là, me dit-il, en posant ma main sur la motte, s’appelle un con, et voici comme tu dois faire pour te procurer là des chatouillements délicieux : il faut frotter légèrement avec un doigt cette petite élévation que tu sens là et qui s’appelle le clitoris. Puis me faisant faire : “Là, vois, ma petite, comme cela, pendant qu’une de tes mains travaille là, qu’un doigt de l’autre s’introduise imperceptiblement dans cette fente délicieuse…” Puis me plaçant la main : “Comme cela, oui… Eh bien ! n’éprouves-tu rien ? continuait-il en me faisant observer sa leçon. -Non, mon Père, je vous assure, lui répondis-je avec naïveté. -Ah ! dame, c’est que tu es encore trop jeune, mais, dans deux ans d’ici, tu verras le plaisir que ça te fera. -Attendez, lui dis-je, je crois pourtant que je sens quelque chose.” Et je frottais, tant que je pouvais, aux endroits qu’il m’avait dits… Effectivement, quelques légères titillations voluptueuses venaient de me convaincre que la recette n’était pas une chimère, et le grand usage que j’ai fait depuis de cette secourable méthode a achevé de me convaincre plus d’une fois de l’habileté de mon maître. “Venons à moi, me dit Etienne, car tes plaisirs irritent mes sens, et il faut que je les partage, mon ange. Tiens, me dit-il, en me faisant empoigner un outil si monstrueux que mes deux petites mains pouvaient à peine l’entourer, tiens, mon enfant, ceci s’appelle un vit, et ce mouvement-là, continuait-il en conduisant mon poignet par des secousses rapides, ce mouvement-là s’appelle branler. Ainsi, dans ce moment-ci, tu me branles le vit. Va, mon enfant, va, vas-y de toutes tes forces. Plus tes mouvements seront rapides et pressés, plus tu hâteras l’instant de mon ivresse. Mais observe une chose essentielle, ajoutait-il en dirigeant toujours mes secousses, observe de tenir toujours la tête à découvert. Ne la recouvre jamais de cette peau que nous appelons le prépuce : si ce prépuce venait à recouvrir cette partie que nous nommons le gland, tout mon plaisir s’évanouirait. Allons, voyons ma petite, continuait mon maître, voyons que je fasse sur toi ce que tu ferais sur moi.” Et se pressant sur ma poitrine en disant cela, pendant que j’agissais toujours, il plaça ses deux mains si adroitement, remua ses doigts avec tant d’art, que le plaisir me saisit à la fin, et que c’est bien positivement à lui que j’en dois la première leçon. Alors, la tête venant à me tourner, je quittai ma besogne, et le révérend, qui n’était pas prêt à la terminer, consentit à renoncer un instant à son plaisir pour ne s’occuper que du mien. Et quand il me l’eut fait goûter en entier, il me fit reprendre l’ouvrage que mon extase m’avait obligée d’interrompre et m’enjoignit bien expressément de ne plus me distraire et de ne plus m’occuper que de lui. Je le fis de toute mon âme. Cela était juste : je lui devais bien quelque reconnaissance. J’y allais de si bon cœur et j’observais si bien tout ce qui m’était enjoint, que le monstre, vaincu par des secousses aussi pressées, vomit enfin toute sa rage et me couvrit de son venin. Etienne alors parut transporté du délire le plus voluptueux. Il baisait ma bouche avec ardeur, il maniait et branlait mon con et l’égarement de ses propos annonçait encore mieux son désordre. Les f… et les b… enlacés aux noms les plus tendres, caractérisaient ce délire qui dura fort longtemps et dont le galant Etienne, fort différent de son confrère l’avaleur d’urine, ne se retira que pour me dire que j’étais charmante, qu’il me priait de le revenir voir, et qu’il me traiterait toutes les fois comme il allait le faire. En me glissant un petit écu dans la main, il me ramena où il m’avait prise et me laissa tout émerveillée et tout enchantée d’une nouvelle bonne fortune qui, me raccommodant avec le couvent, me fit prendre à moi-même la résolution d’y revenir souvent à l’avenir, persuadée que plus j’avancerais en âge et plus j’y trouverais d’agréables aventures. Mais ce n’était plus là ma destinée : des événements plus importants m’attendaient dans un nouveau monde, et j’appris, en revenant à la maison, des nouvelles qui vinrent bientôt troubler l’ivresse où venait de me mettre l’heureuse tournure de ma dernière histoire.”