Guy De Maupassant

L'oeuvre théâtrale de Maupassant

e-artnow, 2019
Contact: info@e-artnow.org
ISBN  978-80-273-0197-3

Scène 2

Table des matières

Les mêmes, René LAPIERRE en marquis Louis XV.

UN DOMESTIQUE (annonçant)
Monsieur René Lapierre.

M. RENÉ (entrant)
En marquis Louis Quinze.

M. DESTOURNELLES
Ah! Votre partenaire;
Au revoir.
(saluant M. Lapierre)
Beau marquis.

M. RENÉ
Monsieur, pour vous servir.

M. DESTOURNELLES
Le costume est charmant et vous sied à ravir.
Il sort. René baise la main de Madame Destournelles.

Scène 3

Table des matières

MADAME DESTOURNELLES, M. RENÉ.

Mme DESTOURNELLES (nerveuse, la voix sèche)
Au moins, avez-vous bien retenu votre rôle?

M. RENÉ
Je n’en oublierai point une seule parole.

Mme DESTOURNELLES
Alors nous commençons puisque vous êtes prêt:
Je suis seule d’abord. Le marquis apparaît.
Sans me voir il arrive au milieu de la scène;
Pendant quelques instants il rêve et se promène;
Et puis il m’aperçoit. Nous y sommes?

M. RENÉ
J’y suis.
Elle s’assied sur une chaise basse. Il s’approche d’elle avec des grâces prétentieuses.

Mme DESTOURNELLES
Soyez plus libre et plus naturel.

M. RENÉ (s’arrêtant)
Je ne puis;
J’en suis fort empêché, car mon habit me gêne.
Son épée se prend entre ses jambes.

Mme DESTOURNELLES (sèchement)
Votre rapière va s’échapper de sa gaine.
Vous paraissez épais et lourd. Recommençons.
(Il fait le même manège que tout à l’heure, mais d’une façon encore plus maniérée.)
Vous n’avez pas besoin de toutes ces façons,
Monsieur.

M. RENÉ (vexé)
Je voudrais bien vous voir prendre ma place,
Madame. Comment donc voulez-vous que je fasse?

Mme DESTOURNELLES (impatiente)
Comme si vous étiez un marquis naturel;
Un vrai marquis. Quittez cet air trop solennel,
Et marchez simplement comme un monsieur qui passe.
Relevez quelque peu votre épée, avec grâce;
Une main sur la hanche; et puis promenez-vous,
Sans avoir tant de plomb fondu dans les genoux.
Vous êtes empesé comme un dessin de mode.

M. RENÉ
Si je ne portais point cet habit incommode…

Mme DESTOURNELLES
Vous me faites l’effet d’un marquis croque-mort,
Soyez donc gracieux.
Il recommence.

M. RENÉ
Est-ce bien?

Mme DESTOURNELLES
Pas encore.
Que l’homme est emprunté! Dire que toute femme,
J’entends femme du monde, est actrice dans l’âme.
La femme de théâtre est gauche, et ne sait pas
Sourire, se lever, s’asseoir, ou faire un pas
Sans paraître tragique. Un rien les embarrasse.
Cela ne s’apprend point, c’est affaire de race.
On peut acquérir l’art, mais non le naturel.
Par l’étude on devient ce que fut la Rachel Qui demeura toujours roide ou prétentieuse,
Souvent fort dramatique, et jamais gracieuse.
Moi, j’ai joué deux fois, et j’eus un succès fou.
J’avais une toilette exquise, un vrai bijou.
On m’applaudit, c’était comme une frénésie;
J’ai cru que je ferais mourir de jalousie
Madame de Lancy qui jouait avec moi.
Je disais quelques vers: je ne sais plus trop quoi;
Quelque chose de drôle et qui fit beaucoup rire.
Mais, la deuxième fois, je n’avais rien à dire;
Je faisais une bonne apportant un plateau
Où devait se trouver un verre rempli d’eau.
J’apportai le plateau; mais j’oubliai le verre.
L’acteur me regarda d’une façon sévère;
Le public se tordait; alors je m’aperçus
Que j’avais le plateau voulu, mais rien dessus.
Ma foi, je n’y tins pas, j’ai ri comme une folle.
Le monsieur n’a pas pu reprendre la parole
Tant on était joyeux. On a ri tout le temps!
(se tournant vers René qui la regarde fixement en l’écoutant)
Mais que faites-vous donc, Monsieur, je vous attends?

M. RENÉ
Madame, j’écoutais.

Mme DESTOURNELLES
C’est moi qui vous écoute.
Vous n’avez pas de temps à perdre. Allons, en route.
Eh bien?

M. RENÉ (après une longue hésitation)
Je ne sais plus du tout le premier vers.

Mme DESTOURNELLES (furieuse)
Monsieur, vous commencez à m’agacer les nerfs.

M. RENÉ
Quand j’aurai le premier, tous viendront à la suite.

Mme DESTOURNELLES
Certes, ils viendront. À moins qu’ils ne prennent la fuite.

M. RENÉ (se frappant le front)
Comme on oublie! Allons, soufflez-moi, rien qu’un peu.

Mme DESTOURNELLES
Ah! Puissé-je, en soufflant, rallumer votre feu.
Elle souffle.

M. RENÉ (il récite avec embarras)
Je te vis, charmante bergère,
Assise, un jour, sur la fougère;
Oui, là-bas, je te vis un jour;
Et tout mon coeur brûla d’amour;
Non point de flamme passagère
Qui s’éteint, trompeuse et légère.
C’est d’un indestructible amour Que je brûlai, douce bergère,
Quand je te vis sur la fougère…
C’est bien?

Mme DESTOURNELLES
«C’est bien» n’est pas au rôle, assurément.
Et puis ce serait bien… Si c’était autrement.

M. RENÉ
Pourquoi cela?

Mme DESTOURNELLES
Pourquoi? Vous êtes détestable
Comme un petit garçon qui récite une fable.
Votre voix, votre corps, vos gestes sont en bois.
Avez-vous aimé?

M. RENÉ (très étonné)
Moi?

Mme DESTOURNELLES
Vous.

M. RENÉ
Certes… Quelquefois.

Mme DESTOURNELLES
Eh bien, racontez-moi cela.

M. RENÉ
Quoi?

Mme DESTOURNELLES
Vos conquêtes;
Car je ne vous vois pas faisant tourner les têtes.

M. RENÉ
Je ne dirai point si j’ai réussi…

Mme DESTOURNELLES
Toujours?
Non. Vous ne devez pas être heureux en amours.
Eh bien! Nous allons voir ce que vous savez faire.
Supposons qu’une femme, habile en l’art de plaire,
Se trouve en tête-à-tête avec vous. Son… Esprit
Dès longtemps attira votre coeur et le prit.
— Supposons que je sois cette femme charmante -
Vous voulez exprimer l’amour qui vous tourmente;
Nous sommes tous deux seuls. - Allez. -
(Elle attend. Il reste debout devant elle dans une pose embarrassée.)
Eh bien, c’est tout?
On peut sans péril écouter jusqu’au bout.
Alors changeons de rôle, et soyez la bergère.
Je vais improviser. Asseyez-vous; - ma chère. -
(Elle prend le chapeau du marquis; s’en coiffe; fléchit un genou devant lui, et, avec une moquerie dans la voix.)
Je cours après le bonheur;
Plus je cours, plus il va vite.
Mais ce bonheur qui m’évite,
Dis, n’est-il pas dans ton coeur?
Je cherche la douce fièvre;
Mais elle me fuit toujours.
Cette fièvre des amours,
N’est-elle pas sur ta lèvre?
Pour les trouver j’ai dessein
De baiser, ô ma farouche,
Et ton âme sur ta bouche,
Et ton doux coeur sur ton sein.
(Elle le regarde en riant, puis, se relevant.)
Il l’embrasse. Êtes-vous une bergère en Sèvres?
Troublez-vous. Qu’un soupir s’échappe de vos lèvres.
Baissez les yeux, tremblez, pâlissez, rougissez.
(changeant de ton - d’une voix brève)
Çà, nous ne ferons rien. Cher monsieur, c’est assez.

M. RENÉ (brusquement)
Je suis mauvais, la faute en est à mon costume;
Si j’étais en habit tout simple, je présume
Que je saurais sans peine exprimer mon amour.
À l’époque fleurie où régnait Pompadour,
Presque autant que la tête on poudrait la pensée;
Et la phrase ambiguë, avec soin cadencée,
Semblait une chanson aux lèvres des amants.
Ils avaient en l’esprit encor plus d’ornements
Que de rubans de soie à leur fraîche toilette.
L’amant était léger, l’amante était follette.
Ils ne se permettaient que de petits baisers
Pour ne point faire tort à leurs cheveux frisés;
Et gardaient tant de grâce et de délicatesse
Qu’un mot un peu brutal eût rompu leur tendresse.
Mais aujourd’hui, qu’on a décousu pour toujours
La pompe des habits et celle des discours,
Nous ne comprenons plus ces futiles manières;
Et pour se faire aimer il faut d’autres prières,
Plus simples mais aussi plus ardentes.

Mme DESTOURNELLES
Il faut,
Cher monsieur, pour jouer un rôle sans défaut,
Se mettre, avec l’habit, la peau du personnage;
Sentir avec son coeur, penser selon son âge,
Aimer comme il aimait.

M. RENÉ
Mais moi, si j’aime aussi.

Mme DESTOURNELLES
Vous n’aimez pas.

M. RENÉ
Pardon, j’aime.

Mme DESTOURNELLES
Mais non.

M. RENÉ
Mais si.

Mme DESTOURNELLES
Alors vous avez dû lui dire: «Je vous aime.»
Rappelez-vous le ton, et puis faites de même.

M. RENÉ
Non. Je n’ai point osé lui dire.

Mme DESTOURNELLES
C’est discret.
Vous avez donc pensé qu’elle devinerait?

M. RENÉ
Non.

Mme DESTOURNELLES
Mais qu’espérez-vous alors?

M. RENÉ
Moi? Rien. Je n’ose.

Mme DESTOURNELLES
C’est faux. L’homme toujours espère quelque chose.

M. RENÉ
Je ne veux qu’un sourire, un mot, un bon regard.

Mme DESTOURNELLES
C’est trop peu.

M. RENÉ
Rien de plus. À moins que le hasard,
Un jour, plaide ma cause.

Mme DESTOURNELLES
Oh! Le hasard ne plaide,
N’oubliez point ceci, que pour celui qui l’aide.

M. RENÉ
Je souffre horriblement de n’oser point parler.
Son oeil, quand il me fixe, a l’air de m’étrangler;
J’ai peur d’elle.

Mme DESTOURNELLES
Mon Dieu! Que les hommes sont… Bêtes.
Savez-vous point encore, ignorant que vous êtes,
Que ces compliments-là ne nous blessent jamais.
Vous verriez, si j’étais un homme, et si j’aimais.
(René saisit ses mains et les baise avec passion. Elle les retire vivement, très étonnée, un peu fâchée.)
Je n’autorise pas ces manières trop lestes;
La parole suffit, monsieur, gardez vos gestes.

M. RENÉ (tombant à ses genoux)
Certes, j’étais timide et grotesque. Pourquoi?
Je craignais que mon coeur éclatât malgré moi!
Et qu’au lieu des fadeurs de ces propos frivoles,
Ce coeur qui débordait ne dit d’autres paroles.
(Elle s’éloigne de lui, il la poursuit en tenant sa robe.)
Ah! Vous l’avez permis, madame, il est trop tard.
Vous n’avez donc pas vu briller dans mon regard,
Quand il était sur vous, des éclairs de folie;
Ni trouvé sur ma face égarée et pâlie
Ces sillons qu’ont creusés les tortures des nuits?
Vous n’avez donc pas vu que souvent je vous fuis;
Qu’un frisson me saisit quand votre main m’effleure;
Et que si j’ai perdu la tête, tout à l’heure,
C’est qu’en me regardant vos lèvres ont souri,
Que votre oeil m’a touché, marqué, brûlé, meurtri?
Ainsi qu’un malheureux, monté sur une cime,
Se sent pris tout à coup des fièvres de l’abîme,
Et se jette éperdu dedans, la tête en feu;
Ainsi, quand je regarde au fond de votre bleu,
Le vertige me prend d’un amour sans limite!
(Il saisit sa main et la pose sur son coeur.)
Tenez, sentez-vous pas comme mon coeur palpite?

Mme DESTOURNELLES (effarée)
C’est trop. On vous croirait la cervelle égarée;
Et la diction même a l’air exagérée.
La porte du fond s’ouvre sans bruit, et M. DESTOURNELLES apparaît, tenant à chaque main un écrin à bracelet. Il s’arrête et écoute sans être vu.

M. RENÉ
Oui, c’est vrai, mon esprit s’égare, je suis fou!
Quand on lâche un cheval, la bride sur le cou,
Il s’emporte, et voilà ce qu’a fait ma pensée;
Jusqu’ici je l’avais tenue et terrassée,
Mais elle a, près de vous, des élans trop puissants.
Je ne puis exprimer les ardeurs que je sens!
Oui, je vous aime, et j’ai la lèvre torturée
Du besoin de toucher votre bouche adorée;
Et mes bras, malgré moi, s’ouvrent pour vous saisir,
Tant me pousse vers vous un immense désir.

Mme DESTOURNELLES (lui échappant)
Je me fâche. Cessez cette plaisanterie.

M. RENÉ (se traînant à ses pieds)
Je vous aime, je vous aime.

Mme DESTOURNELLES (effrayée)
Assez, ou je crie.

M. RENÉ (avec accablement)
Pardon.

Mme DESTOURNELLES (avec hauteur)
Relevez-vous, monsieur, je vais sonner.

M. RENÉ (désespéré)
Mon Dieu! Vous ne pourrez jamais me pardonner.

Scène 4

Table des matières

Les mêmes, M. DESTOURNELLES

M. DESTOURNELLES (applaudissant)
Bravo! Bravo! Très bien! Vous jouez à merveille!
Je ne vous croyais pas une chaleur pareille.
Mes compliments, monsieur, c’est très bien. Et j’avais
La sotte intention de vous trouver mauvais!
Oh! Mille fois pardon, vous êtes admirable;
Et vous avez surtout cet art incomparable
D’être si naturel, si juste, si vivant,
Que ce morceau d’amour est vraiment émouvant.
Tout est parfait: la voix, l’expression, le geste!
Le difficile est fait maintenant, et le reste
Viendra tout seul. Pourtant, il faut savoir comment
Vous vous en tirerez juste au dernier moment;
Car cela va toujours très bien quand on répète;
Mais aux jours de Première on perd un peu la tête.

Mme DESTOURNELLES (avec un sourire imperceptible, et prenant les bracelets des mains de son mari)
Mon ami, demeurez tranquille sur ce point,
Car si monsieur la perd… Je ne la perdrai point.

FIN

MUSOTTE

Table des matières

(1891)
Guy de Maupassant


A Alexandre Dumas Fils

Hommage de grande admiration

et d’affectueux dévouement

Guy de Maupassant

Personnages

Table des matières

Jean MARTINEL, neveu de M. Martinel, artiste peintre, célèbre déjà et décoré, 30 ans Léon de PETITPRÉ, frère de Gilberte Martinel, jeune avocat, 30 ans M. MARTINEL, ancien armateur havrais, 55 ans M. De PETITPRÉ, ancien conseiller à la Cour, officier de la Légion d’honneur, 60 ans Dr PELLERIN, médecin très élégant, 35 ans Mme de RONCHARD, soeur de M. De Petitpré, 55 ans Henriette LÉVÊQUE, surnommée MUSOTTE, petit modèle, ancienne maîtresse de Jean Martinel, 22 ans Mme FLACHE, sage-femme, ancienne danseuse de l’Opéra, 35 ans Gilberte MARTINEL, fille de M. Et Mme de Petitpré, mariée le jour même à Jean Martinel, 20 ans.


Lise BABIN, nourrice, 26 ans DOMESTIQUES


La scène, de nos jours, à Paris 1890

Acte Premier

Table des matières

Un salon sévère et de grand style chez M. De Petitpré. Table au milieu. Canapé à droite. Chaise et fauteuil à gauche. Porte au fond donnant sur une galerie. Portes latérales. Lampes allumées. On sort de table.

Scène Première

Table des matières

M. DE PETITPRÉ, M. MARTINEL, Mme DE RONCHARD, LÉON DE PETIPRÉ, JEAN, GILBERTE, en robe de mariée, sans couronne ni voile.

MADAME DE RONCHARD, après avoir salué M. Martinel, qui lui donnait le bras, va s’asseoir à droite, puis
Gilberte! Gilberte!

GILBERTE, quittant le bras de Jean
Ma tante?

MADAME DE RONCHARD
Le café, mon enfant!

GILBERTE, s’approchant de la table
J’y vais, ma tante.

MADAME DE RONCHARD
Prends garde à ta robe!

LÉON, accourant
Mais non, mais non, ce n’est pas ma soeur qui sert le café aujourd’hui. Le jour de son mariage! C’est moi qui m’en charge. (A Mme de Ronchard.) Vous savez que je peux tout faire, ma tante, en ma qualité d’avocat.

MADAME DE RONCHARD
Oh! Je connais tes mérites, Léon, et je les apprécie…

LÉON, riant, en lui présentant une tasse
Trop bonne.

MADAME DE RONCHARD, après avoir pris la tasse, sèche:… Pour ce qu’ils valent!

LÉON, à lui-même, retournant à la table
V’lan! Le petit coup de patte… Ça ne manque jamais. (Offrant une autre tasse à Martinel.) Trois morceaux, n’est-ce pas, monsieur Martinel, et un peu de fine champagne? Je sais vos goûts. Nous vous soignerons bien, allez!

MARTINEL
Merci, mon ami.

LÉON, à son père
Tu en prends, père?

PETITPRÉ
Oui, mon fils.

LÉON, aux jeunes mariés qui se sont assis à gauche et causent à voix basse
Et vous les jeunes époux? (Les jeunes gens absorbés ne répondent pas.) La cause est entendue!
Il replace la tasse sur la table.

PETITPRÉ, à Martinel
Vous ne fumez pas, je crois?

MARTINEL
Jamais, merci.

MADAME DE RONCHARD
Ça m’étonne. Mon frère et Léon ne s’en passeraient pour rien au monde, même un jour comme celui-ci… Quelle horreur que le cigare!

PETITPRÉ
Une bonne horreur, Clarisse.

LÉON, allant à sa tante
Presque toutes les horreurs sont bonnes, ma tante; j’en connais d’exquises.

MADAME DE RONCHARD
Polisson!

PETITPRÉ, prenant le bras de son fils
Viens fumer dans le billard, puisque ta tante n’aime pas ça!

LÉON, à non père
Le jour où elle aimera quelque chose en dehors de ses caniches!

PETITPRÉ
Allons, tais-toi.
Ils sortent l’un et l’autre par le fond.

MARTINEL, à Mme de Ronchard
Voilà les mariages comme je les aime et comme on n’en fait pas souvent ici, dans votre Paris. Après le lunch, offert en sortant de l’église, tous les invités s’en vont, même les demoiselles d’honneur et les garçons d’honneur. On reste en famille, puis on dîne avec quelques parents. Partie de billard ou partie de cartes, comme tous les jours; flirt entre les mariés… (à ce moment, Gilberte et Jean se lèvent et sortent lentement par le fond, en se donnant le bras); puis, avant minuit, dodo.

MADAME DE RONCHARD, à part
Ce qu’il est commun!

MARTINEL, va s’asseoir à droite, sur le canapé, à côté de Mme de Ronchard
Quant aux jeunes gens, au lieu de partir pour l’absurde voyage traditionnel, ils se rendent tout bonnement dans le petit logis préparé pour eux. Je sais bien que vous trouvez que ça manque de chic, de genre, de flafla. Tant pis! J’aime ça, moi.

MADAME DE RONCHARD
Ce n’est pas dans les usages du monde, monsieur!

MARTINEL
Le monde! Il y en a trente-six mille mondes. Tenez, rien qu’au Havre…

MADAME DE RONCHARD
Je ne connais que le nôtre… (se reprenant) le mien, qui est le bon.

MARTINEL
Naturellement. Enfin, Madame, tout simple qu’il soit, il est fait ce mariage, et j’espère que vous avez admis en grâce mon pauvre neveu, qui jusqu’ici…

MADAME DE RONCHARD
Il le faut bien, puisqu’il est le gendre de mon frère et le mari de ma nièce.

MARTINEL
Ça n’a pas été tout seul, hein? Je suis joliment content que ce soit fini, moi, quoique j’aie passé ma vie dans les difficultés…

MADAME DE RONCHARD
Vous?

MARTINEL
… Les difficultés commerciales et non matrimoniales.

MADAME DE RONCHARD
Vous parlez de difficultés, vous, un Crésus, qui donnez cinq cent mille francs de dot à votre neveu! (Avec un soupir.) Cinq cent mille francs! Ce que m’a mangé feu mon mari…

MARTINEL
Oui… Je sais que M. De Ronchard…

MADAME DE RONCHARD, soupirant
Ruinée et abandonnée après un an de mariage, monsieur, un an! Juste le temps de comprendre combien j’aurais pu être heureuse! Car il avait su se faire adorer, le misérable!

MARTINEL
Une canaille, enfin!

MADAME DE RONCHARD
Oh! Monsieur! C’était un homme du monde.

MARTINEL
Ça n’empêche pas…

MADAME DE RONCHARD
Mais ne parlons pas de mes malheurs. Ce serait trop long et trop triste. Tout le monde est si heureux ici.

MARTINEL
Et moi plus que tout le monde, je l’avoue. C’est un si brave garçon que mon neveu! Je l’aime comme un fils. Moi, j’ai fait ma fortune dans le commerce…

MADAME DE RONCHARD, à part
Ça se voit.

MARTINEL:… Le commerce maritime; lui, il est en train de faire la gloire de notre nom par sa renommée d’artiste; il gagne de l’argent avec ses pinceaux comme j’en ai gagné avec mes bateaux. Les arts, aujourd’hui, madame, ça rapporte autant que le commerce et c’est moins aléatoire. Par exemple, s’il est arrivé aussi vite, c’est bien à moi qu’il le doit. Mon pauvre frère mort, et sa femme l’ayant suivi de près, je me suis trouvé, garçon, seul avec le petit. Dame! Je lui ai fait apprendre tout ce que j’ai pu. Il a tâté la science, la chimie, la musique, la littérature. Mais il mordait au dessin plus qu’à tout le reste. Ma foi, je l’ai poussé de ce côté. Vous voyez que ça a réussi. A trente ans, il est célèbre, il vient d’être décoré…

MADAME DE RONCHARD
Décoré à trente ans, c’est tard pour un peintre.

MARTINEL
Bah! Il rattrapera le temps perdu. (Se levant.) Mais, je bavarde, je bavarde… Excusez-moi. Je suis un homme tout rond. Et puis, je suis un peu animé par le dîner. C’est la faute à Petitpré, son bourgogne est excellent, un vrai vin de conseiller à la Cour. Et nous buvons bien, au Havre!
Il va finir son verre de fine champagne.

MADAME DE RONCHARD, à part
En est-il assez, du Havre!

MARTINEL, revenant à Mme de Ronchard
Là! Voir la paix faite entre nous, n’est-ce pas? Une vraie paix qui dure, que ne rompt pas une niaiserie comme celle qui a failli rompre ce mariage.

MADAME DE RONCHARD, se levant et passant à gauche
Une niaiserie? Vous en parlez bien à votre aise! Mais puisque c’est chose faite… C’est égal, je rêvais pour ma nièce un autre… Berger que celui-là. Enfin, faute de grive, on mange un merle, comme dit le proverbe.

MARTINEL
Un merle blanc, madame! Quant à votre nièce, c’est une perle. Et le bonheur de ces enfants fera le bonheur de mes derniers jours.

MADAME DE RONCHARD
Je le souhaite, sans oser l’espérer, monsieur.

MARTINEL
Allez! Je possède bien la connaissance des mérites des femmes… Et des vins supérieurs.

MADAME DE RONCHARD, à part
Surtout!

MARTINEL
Voilà tout ce qu’il faut dans la vie.

Scène II

Table des matières

LES MÊMES, plus PETITPRÉ, paraissant au fond, avec LÉON.

PETITPRÉ
Puisque ça se passe comme tous les jours, voulez-vous faire une partie de billard avec moi, monsieur Martinel?

MARTINEL
Je crois bien. J’adore le billard.

LÉON, descendant
Comme papa! Et il paraît que quand on aime le billard, c’est une passion. Vous êtes deux petits passionnés, quoi!

MARTINEL
Voyez-vous, mon garçon, quand on avance dans l’existence, et qu’on n’a pas de famille, il faut bien se réfugier dans ces plaisirs-là. Avec la pêche à la ligne pour le matin, le billard pour le soir, on possède deux goûts sérieux et captivants.

LÉON
Oh! Oh! La pêche à la ligne! Se lever de grand matin; s’asseoir, les pieds dans l’eau, sous la pluie et le vent, dans l’espoir de prendre tous les quarts d’heure un poisson gros comme une allumette… Un goût captivant, ça?

MARTINEL
Mais sans doute. Croyez-vous qu’il y ait un amoureux au monde capable d’en faire autant pour une femme pendant dix, douze ou quinze ans de sa vie? Allons donc, il y renoncerait au bout de quinze jours!

MADAME DE RONCHARD
Ah! Certes!

LÉON
Moi, je me connais… Je n’attendrais pas la semaine!

MARTINEL
Vous voyez bien.

PETITPRÉ
Allons, mon cher Martinel. En cinquante, voulez-vous?

MARTINEL
En cinquante, ça va! A tout à l’heure, madame de Ronchard!

MADAME DE RONCHARD
En est-il assez, du Havre!
Martinel et Petitpré sortent par le fond.

Scène III

Table des matières

LÉON, Mme DE RONCHARD

LÉON
C’est un brave homme, ce M. Martinel. Peu cultivé, mais gai comme le soleil et droit comme une règle.

MADAME DE RONCHARD, assise à gauche
Il manque de distinction.

LÉON, s’oubliant
Et vous, ma tante!

MADAME DE RONCHARD
Tu dis?

LÉON, se reprenant et allant à elle
Je dis
Et vous, ma tante… Vous vous y connaissez… Et vous pouvez juger mieux que personne… Avec votre grande habitude du monde.

MADAME DE RONCHARD
Mais certainement! Tu étais trop gamin pour t’en souvenir, mais j’ai été beaucoup dans le monde autrefois, avant ma ruine. J’y ai même eu des succès. A un grand bal de l’ambassade ottomane, où j’étais costumée en Salammbô…

LÉON
Vous! En Carthaginoise

MADAME DE RONCHARD
Certainement, en Carthaginoise… Et j’étais joliment bien, va! C’était en mil huit cent soixante…

LÉON, s’asseyent près d’elle
Pas de dates! Je ne demande pas de dates!

MADAME DE RONCHARD
Ne sois pas ironique.

LÉON
Ironique, moi? A Dieu ne plaise! Seulement, comme vous ne vouliez pas de ce mariage et que moi j’en voulais et que ce mariage s’est fait… Je suis content, que voulez-vous? Je triomphe, je triomphe même bruyamment ce soir… Mais demain, envolé le triomphateur… Plus rien qu’un petit neveu respectueux, gentil… Gentil… Allons, faites risette, ma tante. Vous n’êtes pas aussi méchante que ça, au fond, puisque vous avez eu la grandeur d’âme de fonder, à Neuilly, malgré votre fortune modeste, un hôpital… Pour les chiens errants.

MADAME DE RONCHARD
Que veux-tu? Quand on est seule, quand on n’a pas d’enfants… J’ai été si peu mariée! Qu’est-ce que je suis, moi, au fond? Une vieille fille, et, comme toutes les vieilles filles…

LÉON
Vous aimez les petits chiens…

MADAME DE RONCHARD
Autant que je déteste les hommes!

LÉON
Vous voulez dire un homme, votre mari. Et en ça vous n’avez pas tort.

MADAME DE RONCHARD
Et tu savais pour quelle femme, pour quelle fille, il m’a abandonnée, ruinée! Tu ne l’as jamais vue, toi, cette femme?

LÉON
Pardonnez-moi… Une fois, aux Champs-Élysées. Je me promenais avec vous et papa. Un monsieur et une dame venaient à nous, vous avez été très émue, vous avez pressé le pas, tiré fiévreusement le bras de mon père et j’ai entendu que vous lui disiez à voix basse
«Ne regarde pas! C’est elle!»

MADAME DE RONCHARD
Alors, qu’est-ce que tu as fait, toi?

LÉON
Moi? J’ai regardé!

MADAME DE RONCHARD, se levant
Et tu l’as trouvée horrible, hein?

LÉON
Je ne sais pas, j’avais onze ans.

MADAME DE RONCHARD, passant à droite
Tu est insupportable! Tiens, je te battrais.

LÉON, câlin, se levant
Eh bien! Non, là! Vrai! C’est la dernière fois. Je ne serai plus méchant, je vous le promets! Pardonnez-moi.

MADAME DE RONCHARD, faisant mine de sortir par le fond
Non!

LÉON
Si!

MADAME DE RONCHARD, revenant
Non! Si tu n’étais que taquin à mon égard, passe encore. Je sais me défendre. Mais tu as été imprudent vis-à-vis de ta soeur. Et cela, c’est plus grave!

LÉON
Imprudent, moi?

MADAME DE RONCHARD, tapant sur la table à droite
Oui. Ce mariage, c’est toi qui l’as fait.

LÉON, même jeu, à gauche de la table
Certes! Et j’ai eu raison! Je ne me lasserai jamais de le dire.

MADAME DE RONCHARD, même jeu
Et moi je ne me lasserai jamais de répéter que ce n’est pas un garçon comme celui-là qu’il fallait à Gilberte!

LÉON, même jeu
Qu’est-ce qu’il fallait donc alors à Gilberte?

MADAME DE RONCHARD
Un homme en place, un fonctionnaire, un médecin, un ingénieur.

LÉON
Comme au théâtre.

MADAME DE RONCHARD
Il y en a aussi dans la vie! Mais surtout pas un beau garçon.

LÉON
C’est ça que vous reprochez à Jean? Mais c’est une énormité, ma tante, qu’on répète trop souvent dans le monde. Un homme n’a pas besoin d’être beau. S’ensuit-il qu’il doive être laid?

MADAME DE RONCHARD, s’asseyant sut le tabouret devant la table
Mon mari était beau, lui, superbe même, un vrai cent-garde! Et je sais ce que ça m’a coûté.

LÉON
Ça lui aurait peut-être coûté plus cher, à lui, s’il avait été laid. (Interrompant Mme de Ronchard qui va s’emporter.) D’ailleurs, Jean n’est pas beau, il est bien. Il n’est pas fat, il est simple. Il a de plus un talent qui grandit tous les jours. Il sera certainement de l’Institut. Ça vous fera plaisir, ça, qu’il soit de l’Institut? Ça vaudra bien votre ingénieur. Et puis, toutes les femmes le trouvent charmant, excepté vous.

MADAME DE RONCHARD
C’est justement ce que je lui reproche. Il est trop bien. Il a déjà fait le portrait d’un tas de femmes. Il continuera. Elles resteront des heures seules avec lui, dans son atelier… Et nous savons ce qui s’y passe, dans les ateliers!

LÉON
Vous y avez été, ma tante?

MADAME DE RONCHARD, offusquée
Oh! (Se reprenant.) Ah! Si une fois, chez Horace Vernet.

LÉON
Un peintre de batailles!

MADAME DE RONCHARD
Enfin, je dis que tous ces artistes-là, ce n’est pas fait pour entrer dans une famille de magistrats comme la nôtre. Ça y amène des catastrophes. Est-il possible d’être un bon mari dans des conditions pareilles, avec un tas de femmes autour de soi qui passent leur temps à se déshabiller, à se rhabiller? Les clientes, les modèles… (Avec intention.) Les modèles surtout (Elle se lève, Léon se tait.) J’ai dit les modèles, Léon.

LÉON
J’entends bien, ma tante. C’est une allusion fine et délicate que vous faites à l’histoire de Jean. Eh bien! Quoi! Il a eu pour maîtresse un de ses modèles, il l’a aimée, très sincèrement aimée pendant trois ans…

MADAME DE RONCHARD
Est-ce qu’on aime ces femmes-là!

LÉON
Toutes les femmes peuvent être aimées, ma tante, et celle-là méritait de l’être plus que bien d’autres.

MADAME DE RONCHARD
Beau mérite, pour un modèle, d’être jolie. Ça rentre dans le métier, ça!

LÉON
Métier ou non, c’est tout de même joli d’être jolie. Mais elle était mieux que jolie, celle-là, elle était d’une nature exceptionnellement tendre, bonne, dévouée…

MADAME DE RONCHARD
Il ne fallait pas qu’il la quitte, alors!

LÉON
Comment! C’est vous qui me dites ça? Vous qui tenez tant à l’opinion du monde? (Se croisant les bras.) Seriez-vous pour l’union libre, ma tante?

MADAME DE RONCHARD
Quelle horreur!

LÉON, sérieux
Non! La vérité, c’est qu’il est arrivé à Jean ce qui est arrivé à bien d’autres avant lui, d’ailleurs. Une fillette de dix-neuf ans, rencontrée, aimée… Un collage… (se reprenant) des relations intimes s’établissant peu à peu et durant pendant une, deux, trois années; la durée du bail au gré des locataires. Puis, à ce moment-là, rupture tantôt violente, tantôt douce, rarement à l’amiable. Et puis l’un à droite, l’autre à gauche… Enfin l’éternelle aventure banale à force d’être vraie. Mais ce qui distingue celle de Jean, c’est le caractère vraiment admirable de la femme.

MADAME DE RONCHARD
Oh! Oh! Admirable? Mademoiselle… (S’interrompant.) Au fait, comment l’appelez-vous, cette fille? J’ai oublié, moi. Mlle Mus… Mus…

LÉON
Musotte, ma tante… La petite Musotte…

MADAME DE RONCHARD
Musette? Peuh! C’est bien vieux jeu, ça! Le quartier Latin, la vie de bohème… (Avec mépris.) Musette!

LÉON
Mais non, pas Musette, Musotte, avec un O… Musotte à cause de son gentil petit museau… Vous comprenez? Musotte! Ça dit tout!

MADAME DE RONCHARD, avec mépris
Oui… La Musotte fin de siècle, c’est encore pire… Mais, enfin, Musotte, ce n’est pas un nom, ça!

LÉON
Aussi n’est-ce qu’un surnom, ma tante, son surnom de modèle… Son vrai nom est Henriette Lévêque.

MADAME DE RONCHARD, offusquée
Lévêque?

LÉON
Eh bien! Oui, Lévêque! Qu’est-ce que vous voulez, c’est comme ça, je n’y suis pour rien. Or Henriette Lévêque, ou Musotte si vous préférez, non seulement pendant toute cette liaison a été fidèle à Jean, l’adorant, l’entourant d’un dévouement, d’une tendresse toujours en éveil, mais à l’heure de la rupture, elle a fait preuve d’une force d’âme! Elle a tout accepté sans reproches, sans récriminations… Elle a compris, la pauvre petite, que c’était fini, bien fini… Avec son instinct de femme, elle a senti combien l’amour de Jean pour ma soeur était réel et profond. Elle s’est inclinée, elle a disparu, acceptant non sans résistance la position indépendante que lui créait Jean. Et elle a bien fait d’accepter, car elle se serait tuée plutôt que de devenir une… (s’arrêtant, respectueusement à sa tante) une courtisane! Ça, j’en suis sûr!

MADAME DE RONCHARD
Et depuis, Jean ne l’a pas revue?

LÉON
Pas une fois. Et voilà de cela huit mois à peu près. Comme il désirait avoir de ses nouvelles, il me chargea d’en prendre. Je ne la trouvai pas. Et je ne pus rien savoir d’elle, tant elle avait mis d’adresse à cette fuite généreuse et noble. (Changeant de ton.) Mais je ne sais pas pourquoi je vous répète tout ça… Vous le savez aussi bien que moi, je vous l’ai déjà dit vingt fois.

MADAME DE RONCHARD
C’est tellement invraisemblable que je ne le crois pas plus à la vingtième fois qu’à la première.

LÉON
C’est la vérité pourtant.

MADAME DE RONCHARD
Eh bien! Si c’est la vérité, tu as tort d’aider Jean à rompre cette liaison avec une femme si… Admirable.

LÉON
Non, ma tante, j’ai fait mon devoir. Vous me traitez parfois d’écervelé et vous avez souvent raison. Mais vous savez aussi que je sais être sérieux quand il le faut. Si cette liaison vieille de trois ans avait encore duré, Jean perdait sa vie.

MADAME DE RONCHARD
Qu’est-ce que ça peut nous faire?

LÉON
C’est terrible pour un homme, ces… Collages-là. Tant pis! J’ai dit le mot! C’était mon devoir d’ami, je le répète, de tâcher d’y soustraire Jean, et mon devoir de frère de faire épouser à ma soeur un homme tel que lui. Et vous verrez que l’avenir me donnera raison… Et puis, quand vous aurez, plus tard, un petit-neveu ou une petite-nièce, à soigner, à dorloter… C’est ça qui enfoncera tous vos caniches de Neuilly.

MADAME DE RONCHARD
Les pauvres chéris! Je ne les abandonnerai jamais. Tu sais que je les aime comme une mère!

LÉON
Eh bien! Vous deviendrez leur tante seulement, tandis que vous serez la mère de votre petit-neveu.

MADAME DE RONCHARD
Tais-toi! Tu m’exaspères.

JEAN, qui vient de paraître depuis un instant avec Gilberte dans la galerie du fond, à son domestique, au fond également
Joseph! Vous n’avez rien oublié? Des fleurs partout!

LE DOMESTIQUE
Que Monsieur et Madame soient tranquilles, ils trouveront tout en ordre.
Il disparaît.

LÉON, à sa tante
Tenez! Regardez-les, sont-ils gentils tous les deux!

Scène IV

Table des matières

LES MÊMES, plus JEAN et GILBERTE


JEAN, à Mme de Ronchard, s’avançant vers elle
Savez-vous de quoi nous parlions tout à l’heure, madame? Nous parlions de vous?

LÉON, à part
Hum! Hum!

JEAN
Oui, je disais que je ne vous avais pas encore fait mon cadeau de noces, parce que cela m’a demandé beaucoup de réflexion.

MADAME DE RONCHARD, sèche
Mais Gilberte m’en a fait un très beau pour vous deux, monsieur.

JEAN